Je sors d'une médiation lors de laquelle j'ai eu les larmes aux yeux, tellement ce qu'il m'était donné de vivre était beau.
Et pourtant, ce n'était pas gagné d'avance.
Lorsque les deux voisines sont entrées dans la salle, l'une a précisé qu'elle devait partir 45 minutes plus tard, et les deux ont commencé à échanger avec virulence sur les reproches qu'elles se faisaient.
Étant fatiguée en ce moment, je leur ai demandé de me confirmer si elles étaient prêtes à être ici avec une intention de paix, au fond de leur cœur. Car à défaut, pour moi, on pouvait tout de suite mettre un terme à la médiation et garder chacun notre temps et notre énergie pour autre chose.
Elles ont eu un peu de mal, mais elles ont confirmé cette intention de paix. La médiation a pu commencer.
Les faits : deux voisines d'un logement social, dont l'une a été victime de violences du père de son enfant (disons "la maman"), et est probablement victime à l'occasion de violences de son fils majeur, qui habite encore avec elle. Elle a été insultée par l'autre voisine, prise à parti devant les autres voisins, a eu de la cendre déposée sur son paillasson, et a reçu deux plaintes contre elle/son fils pour des troubles de voisinage, de l'autre voisine.
L'autre voisine (qui a appelé la police une fois pour porter assister à la maman, sans que celle-ci n'ouvre) reprochait au fils de faire tomber sa cendre sur son rebord de fenêtre, d'avoir badigeonné sa porte de sauce tomate, et de lui avoir dit qu'il trouverait une solution pour la faire *****.
Bref, un peu les reproches usuels, le climat de violence familiale en plus en toile de fond.
Les voisines ont pu se dire les choses, et surtout le plus important : pour l'autre voisine, dire à quel point elle souffrait de l'impuissance de ne pas pouvoir aider sa voisine qu'elle constatait être victime de violences familiales. Pour la maman, comprendre que la prise à parti était une intention d'aide, pour l'autre voisine, comprendre que cette tentative d'aide avait le résultat inverse puisqu'elle était ressentie comme une humiliation, d'une grande violence.
L'autre voisine a demandé à la maman de lui donner sa maman. Puis, ceci étant fait, elle lui a dit, en la regardant dans les yeux "je m'excuse, sincèrement, de vous avoir traité de ********".
La maman a accepté ses excuses, également droit dans les yeux.
Connexion cœur à cœur de deux femmes blessées.
Temps suspendu.
Larmes qui me montent aux yeux.
Elles n'avaient ensuite plus envie de parler de sauce tomate, qui n'avait, d'un coup, plus aucune importance.
#médiation #connexion #authenticité